La Vie Ouvrière au Début du XXe Siècle à Givors

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Chanson : le Vieux Givors (1980)        

Ardouin DUMAZET, Voyage en France, la région lyonnaise, Paris 1911     GIVORS en 1910

"En une demi-heure, par des rues industrielles: faïenceries, fabriques de produits réfractaires, hauts fourneaux, on atteint Givors. Il y a plus de 12000 âmes mais la ville n'a pas eu les destinées qu'elle pouvait espérer. Là s'ouvre, sur le Rhône, la vallée du Gier, route naturelle de Rive-de-Gier, de Saint-Chamond et de Saint-Étienne. Dans ces hautes et sévères montagnes, on exploite la houille depuis cinq siècle; un des canaux les plus anciens de notre pays conduit à Rive-de-Gier, enfin le premier chemin de fer construit en France dessert la vallée, il était destiné d'abord à conduire les charbons de Loire au Rhône, d'où la navigation les aurait amenés à la mer. Givors, placé sur le Rhône, devait prospérer longtemps, son port fut l'entrepôt des houilles. Les chemins de fer ont tué le canal, les mines qui bordaient celui-ci sont épuisées. La verrerie très active jadis, a perdu bien qu'elle occupe 600 ouvriers encore, la métallurgie s'est maintenue, elle emploie 1500 ouvriers, trois hauts fourneaux auxquels il faut rattacher ceux de Chasse (Isère), les ateliers de la Compagnie Fives-Lille sont les principaux établissement"

 

Sortie des Usines de la Compagnie Five-Lille - 1910

 

"Les grandes usines Coignet produisent la colle, la gélatine et le phosphore, une autre maison fabrique l'alumine. La chapellerie est redevenue importante. Sept ou huit maisons occupent ensemble près de 200 ouvriers. La fabrication des galoches et le moulinage de la soie, la teinture emploient un nombreux personnel. En somme, Givors est devenu un centre considérable dont la compagnie des chemins de fer de Lyon a fait une de ses gares les plus vastes. Là se détache de la ligne de Lyon à Saint-Étienne l'importante voie de la rive droite du Rhône. Un embranchement franchit le fleuve pour aller se rattacher à Chasse, à la ligne de Marseille, certains trains l'utilisent pour les relations de Lyon à Saint-Étienne. En 1910, a été ouverte la section de Givors à Lozanne, continuée sur Paray-le-Monial et Moulins et qui évite aux convois de marchandises le passage par les gares de Lyon et Givors; outre sa gare de bifurcation (Givors canal) non loin de Grigny, un faisceau de voies de triages, appelé gare de Badan couvre de grandes étendues."

 

  Les Lavandières

"Givors, ville industrielle banale, noire, aux rues étroites et monotones, dont la principale a cependant de l'animation, est sans cesse couverte de la fumée de ses hauts fourneaux et des autres usines, mais son grand fleuve, ses ruines féodales, les beaux platanes qui couvrent ses places et ses quais lui ôtent un peu de laideur des centres métallurgiques. La ville primitive, bâtie à l'entrée d'une gorge profonde, est fort curieuse encore par ses vieilles maisons, ses étroites ruelles aux noms d'autrefois. J'y ai traversé entre des fenêtres aux fines nervures, sous des grands auvents abritant des galeries à l'italienne, la rue Carême-Entrant, la rue Puits-Ollier, la rue Cocarde, la place du Suel. Le Suel, dans cette région, c'est l'aire à battre le blé, or il y a beau temps que les Givordins n'en battent plus...

Les Fêtes Nautiques de Givors - Les Joutes -1905

...Les collines qui dominent la ville sont abruptes, la roche noire ou fauve se dresse partout, mais entre les prairies d'un vert immense et des vignes de belle apparence, replantées depuis quelques années. Sur l'une d'elles, je rencontre des ouvriers chapeliers faisant le lundi avec d'autant plus d'entrain que la veille ils ont eu leur fête annuelle de la chapellerie. Ils sont allés en cortège donner des aubades aux patrons, ils ont dansé, aujourd'hui, ils boivent le petit vin du pays. Givors est un pays où l'on s'amuse fort d'ailleurs. La ville est célèbre par ses vogues dont le grand attrait est la joute nautique qui tend à s'implanter à Paris sous le nom de joute lyonnaise. Les jouteurs Givordins passent pour invincibles, mais ils trouvent de rudes partenaires dans ceux de Saint-Pierre de Bœuf, de Chavanay, de Grigny, etc. Ce sont des illustrations dont tout le monde est fier, les cartes postales représentent ces assauts superbes où les rudes mariniers, bien cambrés, s'efforcent de jeter leur adversaire dans la lône* ou le bassin du canal. (*Bras mort du Rhône sans courant.)

Sauf son beau site à l'un des grands coudes du Rhône, Givors, en dehors de ces journées fameuses, n'a rien pour retenir longtemps le visiteur."

Ardouin DUMAZET, Voyage en France, la région lyonnaise, Paris 1911.

Si l'ouvrier gagne plus en est-il plus riche? Malheureusement NON !

Car : Le maître de forges, qui paie plus cher l'ouvrier, doit vendre plus cher son fer au fabriquant d'instrument agricoles. Le fabricant vend les instrument plus cher au quincaillier. Celui-ci les revend plus cher au cultivateur. Le cultivateur surélève le prix de son blé. Le meunier augmente le prix de la mouture. Le marchand en gros vend plus cher ses farines. Le boulanger élève le prix du pain, de sorte que l'augmentation des vivres absorbe l'augmentation des salaires.

Paru dans lectures pour tous en 1910.

La Soupe Populaire  

Famille Givordine    Guerre 14-18

Les salaires ouvriers

« Dans la plupart des métiers le salaire demeure très faible. D’après l’enquête française de 1911, si des menuisiers, des ferblantiers, des serruriers touchent jusqu’à 10 francs et même davantage par jour, les journaliers doivent se contenter de 4 à 5 francs, les femmes de 2 à 3 francs ; il n’est pas rare que la lingère à domicile travaille 15 heures pour gagner 1,50 franc… Au surplus nulle part de plein emploi. Il y a un chômage chronique et l’immense émigration des misérables atteste la persistance d’un paupérisme massif »

Robert SCHNERB, Histoire générale des civilisations , édition P.U.F. Paris 1968.

La condition ouvrière

« De la condition ouvrière se dégage une impression dominante de monotonie, d’accablement morne devant la tâche quotidienne. C’est tous les jours, depuis l’enfance, le lever à 6heures du matin. Tous les jours l’atelier, le bruit, la fatigue, le labeur long, pénible, sans joie. Demain, le mois prochain, l’année prochaine, ce sera pareil. Force est de continuer indéfiniment, sans répit, sans repos, jusqu’à la limite des forces, jusqu’à l’épuisement de la vieillesse.

Jamais l’ouvrier ne prend de vacances. Jamais il ne quitte l’horizon noirci  des hautes cheminées et des triste banlieues… Parce qu’un jour sans travail est un jour sans pain. Parce qu’il y a la famille à nourrir, les enfants à élever, les minces économies à garder pour les temps de malheur. Et cette existence pauvre, dure, qui a été celle des parents, elle va être celle des enfants. Répétition inexorable qui semble dans l’ordre des choses ».

C. FOHLEN et F. BEDARIDA, Histoire générale du travail, tome 3, « L’ère des révolutions », Nouvelle Librairie de France, Paris 1964.

Les logements ouvriers    

« Les taudis si nombreux à Givors, sont la honte de notre cité. Certaines de nos ruelles s’étageant au pied du coteau, ou dévalant vers le Rhône, sont certes pittoresques, mais triste est la situation des familles entassées dans les maigres logements de une ou deux pièces de ces rues sans joie. Allez donc parler d’hygiène aux locataires de ces cubes insalubres où le soleil ne pénètre jamais, où l’eau courante est un mythe, le chauffage un problème, le logement une horreur, les maigres salaires une réalité… »

Le Rhône, 1934

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(document audio réalisé en 1980 par M. D. - Photographies Archives Ville de Givors )

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