La Vie Ouvrière au Début du XXe Siècle à Givors

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Au cours du XIXesiècle, et surtout entre 1830 et 1880, la France connaît un mutation économique sans précédent, appelée souvent la première révolution industrielle, du chemin de fer, celle de la croissance des villes et de l'exode rural massif.

 

Chanson : le Vieux Givors (1980) 

Le dynamisme de la croissance économique qui caractérise la période 1875-1914, se traduit par une contradiction de plus en plus insupportable: un immense écart se creuse entre le monde aisé des classes dirigeantes et celui des salariés, de tous ceux que l'on englobe sous la vocable de "classes laborieuses", monde de la dépendance, de l'insécurité, de la vie difficile et pénible. Par suite de l'anarchie de la répartition des richesses, la disproportion entre les forces de travail et les résultats obtenus pour le bien-être des hommes apparaît scandaleuse et révoltante aux yeux des masses qui en subissent les effets, mais aussi aux yeux d'une partie des classes dirigeantes. c'est la période où se mettront en place les premiers éléments de la législation sociale que nous connaissons, au prix de luttes parfois meurtrières.

Givors représente un exemple typique de cette mutation économique et de son évolution. Le développement industriel de la ville est dû à une situation géographique privilégiée: à proximité du bassin houiller de la Loire, carrefour de voies de communication, elle réunit toutes les conditions favorables, tant sur le plan énergétique que sur celui du transports, pour connaître une expansion remarquable. Située à une vingtaine de kilomètres en aval de Lyon sur le Rhône, au confluent du Gier, Givors bénéficie de la voie de communication naturelle qu'est le fleuve, et de l'ouverture vers Saint-Étienne, l'Auvergne et les départements du centre par la vallée du Gier; en outre la ville se trouve sur le passage de la ligne de chemin de fer Saint-Étienne Lyon, et la rencontre de la voie ferrée et la voie navigable est un élément essentiel de son développement.

Introduction 1   

En même temps qu'une contribution à la construction du temps historique, c'est d'abord une prise de conscience de la condition ouvrière au début du XXe siècle que ces pages veulent susciter. D'une part, les documents de l'époque (cartes postales, photographies d'ateliers, documents Archives de la Ville de Givors) permettent de situer les événements dans le passé et  favorisent l'approche historique; d'autre part, les témoignages audio d'hommes et de femmes qui racontent leur vie d'autrefois. Leur histoire n'est ni exceptionnelle, ni édifiante: c'est une vie de tous les jours, avec ses joies et ses peines, qu'ils évoquent avec rudesses, mais aussi avec humour et tendresse, même si le souvenir de leur jeunesse vient parfois en atténuer la gravité. (enregistrement audio, réalisation en 1980)

Introduction 2   

En 1700, Givors compte environ mille habitants: "les habitants sont laboureurs ou vignerons et presque la moitié sans fonds", avec un port assez considérable tenu par une "douzaine de marchands, mais un grand nombre de portefaix pauvres". C'est un village agricole qui nourrit mal une population travaillant un sol qu'elle ne possède pas et des gens de rivière qui mènent, chargent et déchargent des bateaux appartenant à une poignée de gros marchands.

 

C'est au cours du XVIIIe siècle que s'effectue la première industrialisation de la ville, grâce d'une part à l'extension de la production de charbon de Rive-de-Gier, et d'autre part à l'installation, en 1749, de la verrerie royale de Givors. Les édits royaux, limitant les coupes de bois, privent les verriers du combustible alors employé: le charbon de bois. Ils trouvent à Givors la proximité du charbon de terre qui alimentera les fours, le sable du Rhône qui sera la base de fabrication des matières vitrées, et le fleuve qui permettra le transport des produits fabriqués jusque vers les Amériques par Bordeaux, ou vers le Levant et les pays d'Asie par Marseille.

Un rapport de la Généralité de Lyon, daté de 1776, précise: "La verrerie établie à Givors est très considérable et dans l'état d'exploitation le plus brillant. Il y a 100 à 110 ouvriers de tout genre attachés à cet établissement. Beaucoup sont mariés et ont des enfants, de sorte que l'on peut compter plus de 200 personnes entretenues à Givors par cette verrerie. Les principaux ouvriers sont étrangers, mais on fait des apprentis parmi les gens du pays qui paraissent goûter ce genre d'industrie"

 

 Verriers de père en fils.

« Les hommes qui travaillent à la fabrication du verre se partagent en plusieurs catégories. A la tête, et par rang hiérarchique, est la personne qui fait le mélange des matières premières destinées à composer la pâte du verre. Lorsque cette composition est comme dans le verre à couleurs, un secret, cette personne est le plus souvent un des patrons de l’usine. Au dessous de lui viennent les souffleurs. Ce sont ceux-là qui sont les verriers proprement dits. Les autre ouvriers de la verrerie, employés au fours ou aux transports, sont des auxiliaires dont le travail commun n’exige pas d’apprentissage spécial. Il en est autrement des souffleurs, leur apprentissage est très long et très difficile.

Apprentis à 14 ans 

 

Avant d’arriver à souffler le verre comme il convient, sans le laisser empâter et en lui gardant, jusqu’à ce qu’il ait la forme dans laquelle il doit rester, la fluidité nécessaire, il faut une attention soutenue, minutieuse, subtile. Il semble qu’on n’arrive jamais à la perfection requise qu’après que la main réalise instinctivement les préceptes de la théorie. L’art est si délicat et tient tellement à une longue pratique, que les souffleurs ont établi, sur ces difficultés même de leur apprentissage, un monopole professionnel. A l’heure où nous écrivons, grâce à l’imperméabilité de leur métier, les souffleurs gardent encore les mœurs des corporations anciennes : ils refusent d’enseigner leur art à d’autres qu’à leurs enfants ; ils conservent comme un trésor leur habileté pour leur famille et la transmettent aux leurs comme la part principale de leur héritage ».

Pierre PELLETIER, Les verriers dans le Lyonnais et le Forez, Paris 1887.

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(document audio réalisé en 1980 par M. Deville - Photographies Archives Ville de Givors )

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