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C’est au mois de janvier 1918 qu’a été créé par Mme Jean Prénat le « Chalet des Enfants » à Grigny.

Cette grande œuvre qui subsiste encore de nos jours, avait pour but initial de récupérer les enfants égarés durant la grande guerre de 1914-1918 et pendant l’exode du nord et de l’est.

   Il était coutume chaque année, et cela Mme Prénat y tenait absolument, de se réunir au Chalet à Grigny,avec les anciens pensionnaires devenus grands et leurs épouses et enfants. Ci-dessous quelques photographies de la réunion du 2 juillet 1933 ainsi que les récitations, chants et discours de la fête du 2 juillet 1933.

 

Fêtes du 2 juillet 1933 - M. et Mme Prénat entourés des enfants et des "anciens" avec leurs épouses.

M. Jean Sohn dit "Petit Jean" est au 4 ème rang, à gauche à côté de la Dame aux cheveux blanc.

Fêtes du 2 juillet 1933 - Les Anciens
Chœur des souvenirs (sur l’air : Combien j’ai douce souvenance)

1 - Les « Anciens » gardent souvenance
Des jours heureux de leur enfance
Au temps d’un affreux branlebas,
En France,
On leur ouvrit, à Montgelas,
Les bras
2 - Ce fut la chrétienne existence,
Le doux calme dans l’innocence,
Noêl, avec ses joyeux chants…
Silence !
Voici venir des retraitants,
Le temps
3 - Mais, ce n’est pas toujours retraite.
On a parfois joyeuse fête
Les cerises de vernaison
Sont prêtes ;
De cette aubaine, profitons,
Partons !
4 - A la Saint Jean chacun s’empresse,
Tout d’abord, on entend la messe,
On fait un très beau compliment ;
Liesse
Car c’est un doux événement,
Vraiment !

Le Chalet des enfants à Grigny 1933

5 - Puis, c’est le jour inoubliable
Ou l’on vient à la Sainte Table
Et l’on fait de son pauvre cœur
L’étable
Ou repose le créateur,
Sauveur
6 - Comment, de tant de bénéfices,
Fruits de généreux sacrifices ;
Dire assez nos remerciements !
Delices
Des souvenirs du bon vieux temps,
Charmants !
7 - Marcel, au ciel, avec Maurice,
Sont déjà sortis de la lice ;
Ils sauront bien prier pour nous.
Propice,
Jésus se penchera vers vous,
Très doux.

 

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Fêtes du 2 juillet 1933 -  Les Habitants Actuels du Chalet (Ronde des jeunes sur l’air « Il pleut etc.»)

1° C’est la ronde joyeuse
Des jeunes habitants
Du Chalet ! Danse heureuse
Des bons petits enfants.
L’oiseau, dans le feuillage,
Chante et saute gaiment,
Et, pour nous, sans nuages,
Est le bleu firmament.
2°Paddy, Roger, Maurice
Font de réels progrès,
Devant le sacrifice
Ne reculent jamais,
Marius et Portejoie
Font aussi leur devoir,
Avançant dans la voie
Qui donne bon espoir.
3°André, Pierrot s’avancent,
Puis Antonin les suit,
Pleins d’ardeur ils s’élancent,
Et la paresse fuit.
Marcel, Fernand arrive,
Puis Fleury, puis René,
Jamais ils ne s’esquivent,
A l’heure du diner.
4°William, André, sont sages
comme Jacques, Peddro
Légère sont leurs bagages,
Ce sont jeunes perdreaux.
Il reste trois bons mioches,
C’est Raymond, c’est Marcel,
Amateurs de brioches,
Comme petit Noël.
5°Ces enfants de tout âge
Ont de bons sentiments,
Le saint Jean les engage
A faire un compliment.
Et puis à la « Médaille »
Il faut bien faire honneur,
Car, n’étant rien qui vaille
Ils ont tous un bon cœur.
6°Ils savent ce que coute
Parfois leur heureux sort,
La douce et large route
Tracée avec effort.
Chantant leur allégresse,
Devant tant de faveur
Ils redisent sans cesse
Merci, chers bienfaiteurs. 

Vers 1920 - Les Enfants

Vers 1920 - Les Enfants Pensionnaires du Chalet, Mlle Garel, en haut à gauche, puis Mme. et M. Prénat, l'institrice et l'infirmière.

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Fêtes du Mardi Gras - Le Carnaval

Mlle Garel, Mme et M. Prénat entourés des enfants - Vers 1920

Mademoiselle Garel

Au Cinéma - (Texte récité par les enfants lors de la fête du 2 juillet 1933)

1°   Madame et Monsieur Prénat
      Sont venu au Cinéma ;
      Et, défilent devant eux,
      Visages graves, joyeux,
2°  C’est Grand Jean, l’ainé de tous,
      Bien fidèle au rendez-vous ;
      Fort au jeu, comme au rabot
      Il est aimé des marmots.
3°  Puis arrive Henri Bara,
      Tout heureux d’être papa,
      Marie-Louise aujourd’hui
      Est souriante avec lui.
4°  Auguste Desprez survient,
      Marie est son vrai soutien
      Et tous les deux à Givors,
      Sont unis d’âme et de corps.
5°  Le petit frère Norbert
      Est, à la Trappe, un saint clerc,
      Il est de cœur avec nous
      Et son regard nous suit tous.
6°  Gustave est au régiment,
      Il défile crânement.
      Petit Jean, comme Victor
      Cherchent en la terre un trésor.
7°  C’est Emile Cordonnier,
      Bon chauffeur, de son métier,
      Ecrasant le moins qu’il peut,
      Les piétons malheureux.
8°  Et Petit Jules a grandi
      Son mariage nous le dit
      De Marcelle il est l’époux,
      Jardiner est dans ses gouts.
9°  Roger Cros était poupon
      Quand il vint dans la maison,
      Fidèle il nous restera
      Et jamais ne déviera.
10° Jacquot, loulou, tous les deux
      Venus ensemble en ces lieux,
      Ont quitté leur doux abri
      Mais ils en restent épris.
11° Le gros Albert a quinze ans,
      Ce n’est pas un fainéant,
      Point d’herbe dans son jardin,
      Il y a de bon matin.
12° Jeannot, chez les capucins,
      Va devenir un vrai Saint
      Et son ciel sera riant
      Au sortir de Val Briand
13° Rémi, le « petit enfant »
      Parmi nous est bien content
      Rémi Brissaud et Julien
      Trouvent en la terre un vrai bien.
14° René 1 est du même avis
      René 2, hors du logis,
      Apprend encore sa leçon,
      C’est un excellent garçon.
15° André Duclos qui s’attache
      Chez Monsieur l’abbé Lamache
      A faire un travail soigné,
      N’an est pas moins bien peigné.
16° Marc, Raoul, laborieux,
      Sont étudiants tous les deux
      Jean Bernard avec Louis
      De nature sont épris.
17° Louis garde, à Saint Martin,
      Les moutons… C’est pas malin,
      Jean cultive les pêchers
      Et se garde des péchés.
18° Mais, j’entends qu’on crie : « Holà ! »
      C’est assez de cinéma
      Disons donc encore : Hourra !
      Pour la famille Prénat.

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Mademoiselle Garel et les institutrices

 

Toast de Monsieur Louis Joseph Prénat - Lors de la fête du 2 juillet 1933.


     Je suis très ému d’assister à cette fête de famille ! C’est que tous ici, vous faites partie d’une famille si belle ! Je vois le père, je vois la mère, tous deux si bons, que vous aimez tant.
     Je vois les secondes mamans, un peu sévères quelquefois, mais si dévouées ; les enfants anciens, tous sages ; les enfants nouveaux, un peu polissons ; les petits enfants encore tout petits, et les arrières petits-enfants qui seront bientôt là !
     Moi, je demande d’être accepté comme oncle, et savez vous pourquoi ? Parce que les jeunes oncles sont très gentils et ne voient que les bonnes qualités de leurs neveux !
     Nous voici donc tout à fait en famille, pour nous réjouir tous ensemble, pour chanter notre joie, notre reconnaissance. Au chalet des enfants, je n’ai jamais vu bouder, grogner, ou pleurer. J’ai toujours vu des enfants propres, riants, heureux, et cela doit continuer toute la vie, surement. Seulement il doit y avoir un secret : personne ne me l’a dit, mais je l’ai deviné.
     Le secret du chalet des enfants, c’set un beau ruban de soie, très solide. Il part du cœur de Monsieur Prénat, passe par celui de Madame Prénat, puis court du cœur des secondes mamans, et de tous les enfants. Et vous ne trouverez jamais le commencement ni la fin du ruban, car il se perd dans le cœur du bon Dieu.
     Je ne vous dirai pas le nom de ce ruban, c’est inutile, vous l’avez deviné : L’Amour.
     Et puisque j’ai trouvé votre secret, et puisque je fais partie de votre grande et belle famille, je bois à voter santé à tous, à votre prospérité, à votre bonheur.

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Toast de Monsieur Jean Prénat - Lors de la fête du 2 juillet 1933.


     En patriarche je dois me lever à mon tour et mon thème sera : Félicitations et reconnaissance.
Mais avant, je dois apporter les excuses et les regrets de ceux qui n’ont pu venir se joindre à nous aujourd’hui pour cette fête de la reconnaissance : Petit Maurice, Frère Norbert dont la règle ne lui permet pas de sortir de son cloître.


     Raymond Landragin, dont le service de chauffeur ne lui a pas permis de venir ; Gustave Malvoisin, le brave cavalier en manœuvre actuellement ; de nos jeunes cultivateurs de la Saône et Loire, Julien, René, Jacques, retenus par les gros travaux de la saison.


     A tous nous leur envoyons nos meilleurs souvenirs et nos regrets de ne pas les voir ici.

     La modestie de Madame Prénat ne me permet pas de lui adresser toutes les félicitations que j’aimerais à lui apporter en cette circonstance, mais elle me permettra je n’en doute pas, de me joindre à tous pour lui exprimer la reconnaissance que tous nous lui devons ici.

     Cette médaille que lui a décernée le ministre est le fruit de la reconnaissance du Gouvernement qui a bien voulu récompenser celle qui n’a pas hésité à se créer des soucis et de la peine pour soulager la souffrance des enfants orphelins.

     Cette médaille de la reconnaissance décernée à Madame Prénat, n’est elle pas, Mesdemoiselles, un peu la votre. Je crois très bien interpréter les sentiments de Madame Prénat en disant que cette reconnaissance va à vous qui depuis près de quinze ans avez donné à tous ces enfants votre amour, votre dévouement, votre cœur.

     Laissez-moi vous dire, combien je vous en félicite et vous remercie.

     A vous, les anciens qui n’avez pas hésité à venir jusqu’ici, pour apporter votre reconnaissance, et qui ne rougissez pas, tout au contraire, de vous dire toujours les « Anciens du Chalet des enfants »

     A vous, jeune femme, qui avez hérité de vos maris le respect et l’amour du chalet, espoir de demain, marchez sur les traces de vos anciens, aimez comme eux votre maison, et comme eux plus tard, ayez de la reconnaissance pour ceux qui ont tant fait pour vous.

 

Une institutrice et les enfants

Mademoiselle Garel entourée des enfants - A droite Jean Sohn dit "Petit-Jean" droit sur le rebord.

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Chant de l’Ave Maria de Lourdes

1 -           De sa voix divine
                Jésus nous à dit :
                Quand un chœur s’incline
                Vers un tout petit
Rep.         C’est au Seigneur
                Qu’en revient l’honneur « Bis »
2 -            Un jour, dans la gloire,
                Seront réunis,
                Après la victoire,
                Les grands, les petits
Rep.        Ce jour heureux
                Comblera leurs vœux ! « Bis »
3 -           Déjà, sur la terre,
                Brille un certains jours
                La douce lumière
                Du divin séjour
                Louange, Honneur, au saint Précurseur !

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Dialogue entre deux anges - 24 juin 1933

1er Ange.
Ils sont gentils à croquer, ces enfants du chalet ! Vraiment, Dieu, en nous confiant la garde de Monsieur et Madame Prénat nous a donné une bien consolante mission. Nous réjouirons les habitants du Paradis en récoltant pour eux quelques uns de ces mots d’enfants naïfs et savoureux. Voyons rassemblons nos souvenirs.

2ème Ange.
Il ne faut pas exiger du jeune âge la perfection de l’esprit évangélique, car René, il y aurait manqué le jour où il s’est écrié : « c’est bien fait pour le roi d’Angleterre, s’il est malade ! C’est bien fait parce qu’il nous a fait la guerre de cent ans ! »

1er Ange
Parfois, c’est un meilleur sentiment qui les inspire quand Auguste interrompt le récit du baptême de Clovis par cette exclamation partant d’un bon petit chœur : « Et Saint Rémi ! Est-ce qu’on l’a invité au diner de baptême ! »

2ème Ange
Et Pierrot offrant en vain à « Moiselle Colombet de partager sa dinette de bonbons, un jour de jeûne, disant philosophiquement : « Moiselle peut pas faire la dînette, parce qu’elle est jeune ; alors, c’est moi qui mange tout. »
Et du même, cette réflexion qui indique un esprit s’élevant de la terre au ciel : « On ne peut pas le voir le ciel, hé, Moiselle, c’est trop haut, on voit rien que la peau ! »

Mademoiselle Garel et une institutrice entourées des enfants du Chalet - Vers 1920

 

1er Ange
Ces bons enfants ont encore à travailler pour arriver à la mansuétude de l’évangile, mais ils y arriveront, et, dans quelques années, Jeannot ne dira plus après avoir rendu à son voisin une raclée plus forte que celle qu’il en a reçue : « Eh bien ! je prends du bénéfice ! »

2ème Ange
N’oublions pas ce chef d’œuvre épistolaire énumérant ces faits : « Nous avons huit petits pillots, il y en a qui ont fait la communion privée et deux la communion solennelle. Les pénitences même, ont une tournure pittoresque. On dit à Louis : » Je suis un désobéissant. » Louis rapporte son ardoise, sur une seule face de laquelle il a écrit deux fois : » Devant et derrière, je suis un désobéissant.
Jetons un voile sur le souvenir des peccadilles, et arrêtons-nous sur les mots qui révèlent un bon petit cœur : une réflexion de Petit Jean au catéchisme de Moiselle Bouchu : »Qu’est-ce qu’il faut faire pour aller au ciel? – La lutte.
Une autre de Jeannot passent devant la propriété d’un bienfaiteur défunt : « Voila où habitait le Monsieur qui nous donnait des abricot tous les ans ; à présent il est mort, mais peut-être qu’il continue à nous envoyer des abricots quand même ! Ces abricot, ce sont des grâces.»

 

2ème Ange
Et Jacquot avec Raymond Lucien, à qui on a recommandé de faire des sacrifices. Raymond trouve des cerises par terre et dit : « Je vais les reposer sous l’arbre, au lieu de les manger, ça fera un sacrifice. » Mais le jus des cerises a coulé sur tes doigts. Un cas de conscience ce pose : Est-ce que je peux lécher le jus ? Jacques répond : « Si tu lèches, ça sera plus un sacrifice » Et Raymond aussitôt essuie ses doigts à son pantalon, où il fait une grosse tâche. Cette tache a du être précieuse aux yeux de Dieu, qui ne juge que l’intention.

1er Ange
Souhaitons aussi que s’ils ont un jour à défendre leur droit, ils le fassent d’une façon moins violente que l’année où, ravi d’avoir suivi la procession de la Fête Dieu à Vernaison, et cette procession ayant été supprimée le dimanche suivant, par un maire sectaire, ils ont voulu la représenter dans leurs jeux au Chalet. Roger Gros ayant déclaré qu’il serait le maire, s’écria : « Je …terdis les processions » quelle grêle de coups s’est abattue sur lui au nom de la liberté.

2ème Ange
Mais, terminons par ce mot dont l’honneur revient à Marc : « Je sais bien, moi, pourquoi le Bon Dieu n’a point donné d’enfants à Monsieur et à Madame Prénat. Et pourquoi ? C’est pour qu’ils fassent la charité.» 

 

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Merci à Mme Michelle Sohn et à M. Serge Cavalieri
Source des photographies :
Collection privée Mme Michelle Sohn
Source des textes: M. Serge Cavalieri

 

 

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